Pendant des décennies, la révolution numérique en Afrique a été racontée à travers les histoires de l’argent mobile, des technologies financières et de la connectivité urbaine. Pourtant, le véritable test de la transformation numérique du continent ne se trouve pas dans ses villes, mais dans ses champs.
L’agriculture reste le premier employeur d’Afrique et le pilier de ses économies, représentant jusqu’à 40 % du PIB et jusqu’à 80 % de l’emploi dans certains pays. Pour transformer l’avenir économique de l’Afrique, l’innovation numérique doit atteindre son secteur le plus traditionnel, et c’est précisément là que l’AgriTech prend désormais racine.
Dans un récent podcast de TechAfrica News, Aliou Maïga, directeur régional de l’industrie pour le groupe des institutions financières en Afrique à la Société financière internationale (SFI), a expliqué pourquoi la technologie agricole est devenue un élément central de la stratégie de développement du continent.
Pour la SFI, qui se situe à la croisée de la finance et du développement, l’AgriTech n’est pas seulement un outil d’innovation, c’est aussi une voie vers la productivité, la création d’emplois et la résilience économique.
« Si vous voulez créer des emplois en Afrique, le plus grand employeur du continent est l’agriculture. À moins de la rendre plus productive, non seulement pour la sécurité alimentaire mais aussi pour la création d’emplois, vous passez à côté de la moitié du potentiel », a expliqué M. Maïga.
Dans cette édition de #TechTalkThursday, nous explorons comment l’AgriTech stimule l’économie numérique africaine, en nous inspirant de cette conversation.
Le passage de l’aide à l’autonomie
Alors que les flux d’aide mondiale deviennent incertains et que les engagements des donateurs se resserrent, la viabilité économique du continent dépend de plus en plus de sa capacité à financer sa propre croissance. L’agriculture, lorsqu’elle est numérisée, offre à la fois échelle et stabilité.
M. Maïga a souligné que la nouvelle orientation stratégique de la SFI lie la réduction de la pauvreté à la création d’emplois, une approche pratique grâce à laquelle la technologie devient un moyen d’autonomisation plutôt que de dépendance. Dans ce contexte, l’AgriTech représente une transformation industrielle de l’agriculture, intégrant les données, la finance et la logistique numérique dans un écosystème connecté.
Ce que fait réellement l’AgriTech
Contrairement aux programmes d’aide agricole traditionnels, les solutions AgriTech modernes couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur agricole, du sol au marché. Ces entreprises fournissent des profils numériques pour les exploitations agricoles, utilisent l’imagerie satellite et les données IoT pour surveiller les cultures, et intègrent des services financiers tels que le crédit, l’assurance et les paiements directement dans leurs plateformes.
« Les entreprises AgTech sont essentiellement des entreprises FinTech qui fournissent tous les services dont un agriculteur ou une coopérative a besoin pour devenir productif », explique M. Maïga. « Le financement n’est que le maillon final de la chaîne. Ce qui permet le financement, c’est la réduction des risques et des coûts. »
En mettant en relation les agriculteurs avec les fournisseurs d’intrants, les transformateurs et les banques, les entreprises AgriTech transforment les petites exploitations agricoles en unités investissables.
Ce modèle a déjà donné des résultats mesurables. Au Maroc, par exemple, l’entreprise Sowit, soutenue par l’IFC, a augmenté les rendements de 30 % et les revenus des agriculteurs de plus de 50 % en deux saisons en combinant les données satellitaires, les conseils agronomiques et l’accès au financement.
Ces résultats révèlent l’objectif profond de l’AgriTech : rendre l’agriculture bancable en utilisant les données pour réduire l’incertitude. Une fois le risque réduit, les institutions financières peuvent accorder des crédits, les assureurs peuvent garantir les récoltes et les gouvernements peuvent planifier en fonction des données de production en temps réel.


