Le Kenya Tourism Board (KTB) a annoncé la semaine dernière avoir conclu un partenariat avec Visa afin de développer des campagnes marketing, faciliter l’accès aux moyens de paiement et encourager les dépenses touristiques transfrontalières et nationales.
Dans le cadre de ce partenariat, Visa mettra à disposition son Government Insights Hub, une plateforme d’analyse qui identifie les habitudes de voyage, les saisons de pointe, les préférences régionales et le comportement des consommateurs, selon les premières informations rapportées par Reuters.
Cette collaboration souligne l’ambition plus large de Nairobi de moderniser son appareil touristique grâce à l’analyse des données et à l’infrastructure de paiement numérique. Le tourisme reste la deuxième source de devises étrangères du Kenya après l’agriculture, contribuant à environ 10 % du PIB du pays.
En exploitant des données de paiement sophistiquées et des analyses des visiteurs, les autorités espèrent tirer une plus grande valeur économique de ce qui a traditionnellement été une industrie saisonnière et géographiquement concentrée.
Le moment semble stratégique. Selon Rebecca Miano, secrétaire d’État au tourisme et à la faune sauvage, le pays a accueilli 2,4 millions de visiteurs internationaux en 2024, soit une forte augmentation de 15 % par rapport à l’année précédente.
Si l’on ajoute les touristes nationaux, le total atteint 7,5 millions de visiteurs. Cette reprise s’appuie sur le pic touristique atteint par le Kenya avant la pandémie, avec 2,05 millions d’arrivées internationales en 2019, ce qui suggère que le secteur ne s’est pas seulement redressé, mais qu’il a dépassé ses niveaux historiques.
L’approche du gouvernement reflète un pari calculé sur une politique touristique axée sur la technologie. En mars 2025, les autorités avaient déjà annoncé des mesures visant à rationaliser le traitement des visiteurs à l’aéroport international Jomo Kenyatta de Nairobi, le hub aérien le plus fréquenté d’Afrique de l’Est, notamment la suppression des exigences en matière d’autorisation électronique de voyage pour les ressortissants africains et l’augmentation des franchises douanières.
Ces réformes complètent l’effort plus large de la Communauté de l’Afrique de l’Est en faveur de la libéralisation des visas, qui a vu plusieurs États membres supprimer les exigences en matière de visas pour les citoyens de la région.
Le lancement en mai par le KTB d’une campagne mondiale de tourisme d’aventure représente un autre pilier de cette stratégie, qui mise sur les avantages concurrentiels du Kenya en matière de safaris, d’alpinisme et de tourisme côtier.
Le tourisme d’aventure, qui comprend des activités allant des expéditions sur le mont Kenya aux safaris dans le Maasai Mara, se caractérise par des prix élevés et des séjours moyens plus longs que les vacances balnéaires classiques.
Le partenariat avec Visa semble conçu pour relever un défi persistant : l’industrie touristique kenyane reste fortement concentrée autour d’une poignée de destinations, en particulier le Maasai Mara, Amboseli et la côte de Mombasa.
Le Government Insights Hub pourrait théoriquement identifier des opportunités pour répartir les flux de visiteurs vers des régions sous-exploitées telles que Turkana, Marsabit ou les réserves émergentes du comté de Laikipia.
Cette transformation numérique intervient dans un contexte de concurrence régionale croissante. La Tanzanie a mené une campagne de promotion agressive de son circuit nord, ancré dans le Serengeti et le cratère du Ngorongoro, tandis que l’Ouganda s’est positionné comme la destination haut de gamme pour l’observation des gorilles.
Le Rwanda, malgré sa petite taille, a réussi à se positionner comme une destination de safari de luxe avec des stratégies de prix élevés que le Kenya semble désormais désireux d’imiter.
L’objectif ambitieux du gouvernement d’attirer 5 millions de visiteurs internationaux et 5 millions de touristes nationaux d’ici 2027 représente plus du double des arrivées internationales actuelles en trois ans.
Cette projection suppose une stabilité économique mondiale durable, le maintien de la paix dans la région et la réussite des projets d’infrastructure, notamment l’achèvement des travaux d’agrandissement des aéroports et d’amélioration des routes vers les principaux circuits touristiques.
Toutefois, d’importantes questions subsistent quant à la mise en œuvre. L’industrie touristique kenyane est dominée par des petites et moyennes entreprises, dont beaucoup fonctionnent avec des infrastructures de paiement numérique limitées.
La réussite de ce partenariat dépendra en grande partie de la capacité de ces opérateurs, qu’il s’agisse des réserves communautaires masaï ou des hôtels familiaux en bord de mer, à s’intégrer efficacement à l’écosystème numérique de Visa.
Le test plus large consistera à déterminer si l’analyse des données peut véritablement remodeler les comportements touristiques établis depuis des décennies. Les visiteurs internationaux au Kenya ont toujours suivi des itinéraires prévisibles : arrivée à Nairobi, safari dans le Maasai Mara ou à Amboseli, puis départ ou continuation vers les plages côtières autour de Malindi et Watamu.
Pour rediriger ces flux vers des destinations émergentes, il faudra non seulement améliorer le marketing, mais aussi apporter des améliorations substantielles aux infrastructures, aux normes d’hébergement et à la capacité des services locaux.
Le succès du partenariat dépendra en fin de compte moins de la sophistication technologique que de la capacité du Kenya à traduire les connaissances numériques en améliorations tangibles de l’expérience des visiteurs, qu’il s’agisse d’un traitement plus fluide à l’aéroport ou de produits touristiques plus diversifiés et plus accessibles à travers les différents paysages du pays.


